Remontons les routes de l'esclavage

au temps du commerce triangulaire (aux XVIIe et XVIIIe siècles)

Storymap réalisée dans le cadre du concours La Flamme de l'égalité, 2021

La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique ainsi que la traite dans l'océan Indien d'une part, et l'esclavage d'autre part, perpétrés à partir du XVe siècle, aux Amériques et aux Caraïbes, dans l'océan Indien et en Europe contre les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes constituent un crime contre l'humanité."

La loi Taubira du 21 mai 2001 permet de qualifier la traite et l'esclavage de crime contre l'humanité.

Si l'esclavage existe depuis l'Antiquité, la traite atlantique et les systèmes esclavagistes des XVIIe et XVIIIe siècles constituent l'apogée d'un crime, dont les populations africaines sont les victimes.

Que ce soit en Europe, en Afrique ou en Amérique, l'esclavage a laissé des traces.

Partons de ces lieux de mémoires afin de retrouver l'histoire de la traite atlantique. Le troisième épisode de la série documentaire diffusée sur Arte,  Les Routes de l'esclavage , a été le point de départ de l'enquête historique conduisant au récit cartographique que vous allez parcourir ci-après.

Lors du visionnage en classe, nous avons pris des notes de manière thématique et avons recherché les arguments montrant que le système de la traite atlantique est un crime contre l’humanité, et pourquoi les historiens estiment que la traite atlantique a créé les catégories raciales, qui ont conduit aux discriminations qui persistent encore aujourd'hui.

Pour plus d''informations sur la série documentaire Les Routes de l’esclavage, réalisée par J. Gélas, D. Cattier et F. Glissant, le magazine L'Histoire en propose une critique à lire en cliquant sur  ce lien .


L'organisation de la traite en Europe

Au XVIIe siècle, partis d'Europe, des armateurs et marchands avides de richesses se lancent dans le commerce triangulaire. Soutenus par des souverains à qui ils promettent un enrichissement rapide de leur royaume, ils s'appuient sur de puissantes compagnies d'assurance et de commerce. Les ports européens tournés vers le commerce atlantique connaissent alors un développement et un enrichissement sans précédent.

Élisabeth I

Élisabeth 1ère, reine d’Angleterre est née le 7 septembre 1533 au palais de Placentia à Londres et morte le 24 mars 1603 au palais de Richmond dans la même ville. Elle fut reine d'Angleterre et d'Irlande de 1558 à sa mort.

Pourquoi peut-on dire qu’elle a joué un rôle dans la mise en place du commerce triangulaire et de l’esclavage ?

Sous Élisabeth 1ère, la flotte marchande britannique se renforça et étendit toujours plus loin ses entreprises grâce à la constitution de compagnies de commerce patronnées par l’État et jouissant d’un monopole : la compagnie de l’Est rivalisa avec la Hanse dans la Baltique ; la Compagnie de Moscovie développa le commerce en Russie et en Perse ; la Compagnie du Levant concurrença Espagnols et Vénitiens en Méditerranée orientale ; enfin, en 1600, fut fondée la Compagnie des Indes orientales, qui devait poser les bases de la puissance britannique en Asie.

Sous son règne, les Anglais commencèrent à s’intéresser à l’Amérique : des marins comme Frobisher et John Davis partirent à la recherche du passage du Nord-Ouest et la première tentative d’implantation coloniale fut faite par Raleigh en Virginie en 1584. Elizabeth 1ère finança notamment les voyages très lucratifs de John Hawkins, qui inaugure la traite des Noirs.

JOHN HAWKINS

John Hawkins (Plymouth 1532 – 12 novembre 1595) était un constructeur de navires, homme politique, homme d’affaires, navigateur, et négrier anglais.

Il est le premier Anglais à pratiquer le commerce des esclaves entre l'Afrique et les colonies espagnoles d'Amérique où il travailla de 1562 à 1595.

Dans les années 1560, il effectua plusieurs traversées de l'Atlantique, se livrant à la vente d'esclaves et abordant en Floride.

En 1567, il monta, en compagnie de son neveu Francis Drake, une troisième expédition vers l'Afrique pour y acheter des esclaves et les revendre dans les colonies du Nouveau Monde. Malgré l'importance de leur flotte, les deux compères furent encerclés par les Espagnols. 

En 1588, il participa avec Francis Drake Martin Frobisher, et Walter Raleigh aux attaques en Manche et en mer du Nord contre l'invincible Armada.

François Bonnaffé

François Bonnaffé est né à Lacaune le 27 décembre 1723, fils cadet d’Etienne Bonnaffé et Françoise Calmels.

À l’âge de 17 ans, il part en apprentissage pour Bordeaux, où il devient l’un des principaux armateurs de la ville. En 1756, il épouse une riche protestante, Jeanne (Anne) Boyer. Ils ont onze enfants.

Il se concentrait sur le commerce en droiture (sans passer par l'Afrique chercher des captifs) qu'il jugeait plus prudent. Les marchandises transportées étaient produites par les esclaves des "habitations" coloniales, et en particulier de Guadeloupe et de Saint-Domingue. Il possédait d'importantes parts dans la compagnie Romberg et Bapst, très impliquée dans la traite des esclaves.

Avec le déclenchement de la Révolution française, le commerce maritime est interrompu par les Anglais qui maîtrisent les mers. Les affaires de François Bonnaffé connaissent alors une période de stagnation. En 1791, la révolte des esclaves à Saint-Domingue met un coup d'arrêt brutal à la croissance de l'économie bordelaise en général, et aux affaires de la maison Bonnaffé en particulier.

Il est mort le 13 août 1809 (à 85 ans) à Bordeaux. La légende raconte qu’il serait mort sur le balcon de son hôtel place de la Comédie à Bordeaux.

Louis XIV et le Code noir

Le Code noir est le titre qui a été donné à l'ordonnance royale datant de mars 1685 de Louis XIV relative à la police des îles de l'Amérique française. Il concerne également les édits similaires de 1723 sur les Mascareignes et de 1724 sur la Louisiane. Il a été préparé par Colbert (1619-1688) à la demande de Louis XIV. Il définit les droits du "propriétaire" sur son esclave. A l'origine, il était destiné aux colonies françaises : les Antilles, la Guyane et l'Ile Bourbon. Puis, d'autres pays ont adopté un code du même genre.

Le code noir est donc un groupement d'une soixantaine d'articles, publiés en plusieurs fois. Il rassemble toutes les dispositions réglant la vie des esclaves noirs dans les colonies françaises. Il a été écrit pour régler plusieurs problèmes posés par l'esclavage dans les colonies comme la supériorité numérique, les attentats des "nègres marrons", l'indifférence des colons à l'égard de l'éducation religieuse de leurs esclaves.   

La priorité est d'empêcher les soulèvements (mouvements de révoltes) des esclaves et d'assurer ainsi un bon approvisionnement de la métropole en produits tropicaux. 

Louis XIV et le Code noir

 

Dans le code noir, il est écrit que les maîtres avaient le droit de fouetter les esclaves, les enchaîner s'ils jugeaient bon de le faire. Mais ils ne devaient ni les torturer, ni les mutiler sans motif valable. Malheureusement, la plupart des maîtres ne les respectaient pas : ils les marquaient au fer rouge, les émasculaient (priver un mâle des organes de la reproduction), etc. Les esclaves qui étaient dans les îles devaient être baptisés et instruits dans la religion de leur maître. Dans le code noir, l'esclave est présenté comme un "meuble", le propriétaire pouvait le vendre comme bon lui semblait. C'est ce qu'illustre l'article 44 : "déclarons les esclaves être meubles, et comme tel entrer en la communauté, n'avoir point de suite par hypothèque, se partager également entre co-héritier." Donc, le code noir participe aux crimes contre l'humanité, malheureusement la vie des esclaves était compliquée, la loi était contre eux.

La Lloyd's of London

Quel rôle cette entreprise a-t-elle joué dans le développement du système esclavagiste

La Lloyd’s of London est un marché d’assurance britannique créé en 1688 par Edward Lloyd’s dans lequel des assureurs (personnes physiques ou morales) se réunissent pour assurer des risques conjointement. Son passé dans l’histoire de l’esclavage est lié à Simon Fraser, un membre fondateur de la Lloyd’s, qui détenait au moins 162 esclaves.

La Lloyd’s of London s’est enrichie et développée en assurant des bateaux négriers, participant au commerce triangulaire.

La Compagnie française de Guinée

La compagnie de Guinée fut créée en 1684, c’est l’une des plus importantes sociétés de la traite négrière et du commerce triangulaire entre Nantes et l'île de Saint-Domingue. Elle est chargée de faire « le commerce des nègres, de la poudre d’or et de toutes les autres marchandises » (Traité général du commerce de l'Amérique) sur les côtes d’Afrique, de la rivière Sierra Leone jusqu’au cap de Bonne-Espérance.

La compagnie de Guinée permet d'installer la domination française sur les côtes d'Afrique malgré la concurrence de la puissante Angleterre.

Louis XIV, actionnaire de la société, considère cependant que la compagnie n'a pas atteint les objectifs qu'il lui avait fixés : amener « 3000 nègres pour chaque an aux îles françaises de l’Amérique ».

Ainsi en 1701, elle parvient à obtenir le monopole de l'importation d'esclaves dans l'Empire espagnol aux Amériques et devient la compagnie de l'Asiento.

Elle disparaît en 1720 au profit de la deuxième compagnie des Indes 

Les ports européens impliqués dans le commerce triangulaire.


En Afrique, la capture et le commerce des esclaves

Partis d'Europe, les navires négriers rejoignent les côtes africaines afin d'y vendre divers produits et d'y acheter des esclaves. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les puissances européennes se lancent dans la conquête de comptoirs situés sur le littoral ouest-africain, consolidés par des forts, afin d'y organiser le commerce des esclaves.

Les forts européens sur la côte ouest de l'Afrique

La traite des Noirs initiée par les Portugais et les Espagnols, est développée par les Hollandais et les Anglais, au XVIIe siècle, et par les Français, surtout au XVIIIe.

Trois siècles après le début de la traite, tous les pays d’Europe sont donc présents sur la côte occidentale de l’Afrique. Ils manifestent concrètement cette présence à terre, par les comptoirs et les forts. Un fort est un bâtiment militaire qui est conçu pour la guerre défensive, les Européens cherchaient ainsi à sécuriser la traite des esclaves. Cette présence militaire s'explique aussi par la rivalité entre les puissances européennes.

Cependant, les forts servaient aussi à stocker des marchandises.

Les intermédiaires africains

En Afrique, les principaux vendeurs d'esclaves sont les rois des pays côtiers qui louent des terrains pour la construction de comptoirs. La plupart d'entre eux sont pour la traite négrière et n'hésitent pas à vendre des esclaves en échange de fusils, de poudre à canon, d'eau-de-vie et de textile. Grâce au profit de l'esclavage, la puissance de leurs royaumes augmente considérablement. Il existe différents métiers en rapport avec la traite comme les chasseurs ou les rabatteurs de captifs qui participent à des rapts. Les Pombeiros, fils d'esclaves et d'Européens participent également à la traite.

Les différentes tribus n'hésitent pas à se faire la guerre pour gagner plus d'esclaves, elles visent principalement les tribus adverses ou faibles.

Cependant, il existe certains rois qui s'opposent à l'esclavage, considérant les esclaves non pas comme des objets mais comme des humains, comme les rois du Bénin, du Dahomey, de l'Ashanti et de l'Oyo. Pour les convaincre de leur vendre des esclaves, les Européens utilisent de l'argent et, si nécessaire leur font la guerre. 

Gravure du XIXe siècle représentant une caravane transportant des esclaves noirs africains à travers le Sahara. 

Les principales populations réduites en esclavage

Au cours du XVIIe et du XVIIIe siècle, certains peuples africains ont collaboré à la traite négrière en aidant les Européens à en réduire d’autres en esclavage.

Ces peuples pouvaient revendre les esclaves aux Européens mais aussi les utiliser eux-mêmes pour cultiver leurs propres terres. C’est ainsi que la voie fut ouverte vers les conflits pour se procurer de la main-d’œuvre.

La complicité de certains monarques et leurs auxiliaires africains dans ce commerce criminel est une donnée objective. Des razzias étaient légalement organisées par des chefs ou sultans, pour approvisionner les négociants qui travaillaient pour l’exportation de captifs africains.

Des rivalités se créaient même entre les différentes tribus esclavagistes.

En Sénégambie, entre 1600 et 1800, près d'un tiers de la population a été asservie. C'était aussi le cas du Ghana, Mali, Ségou ou encore Songhaï. Dans ce même laps de temps, ce sont 8 381 446 esclaves africains qui ont embarqué dans un bateau de traite.

Aussi, en 1999, le président du Bénin Matthieu Kérékou, lors d'un voyage à Baltimore, a demandé pardon aux Africains-Américains et à toute la diaspora pour « le rôle honteux que les Africains ont joué durant la traite ».

Sao Tomé : la naissance de la plantation à sucre.

Les Portugais voient Sao Tomé comme un espace où développer un semi-esclavage moins coûteux qu'à Madère dont ils ne souhaitent pas l'expansion depuis que les Juifs s'y réfugient au début du XVIe siècle. Plus tard, les Portugais vont importer des esclaves d'Afrique équatoriale pour leur résistance aux maladies, à une faune effrayante de crocodiles, et leur expérience en milieu tropical, alors que les premiers venaient très vraisemblablement de Lisbonne après avoir été captés de la traite orientale via l'île proche de la Mauritanie. Les Portugais accompagnent ainsi le décollage du sucre dans l'île dans les années 1530, car elle ne devient exportatrice qu'en 1529 jusqu'aux années 1550, lorsqu'elle compte 60 moulins, tous installés sur d'importantes plantations, dans la partie du Nord de l'archipel. Le sucre de Sao Tome est alors quatre fois moins cher que celui de Madère grâce au climat équatorial. Il prend la première place sur le marché.

Esclaves et sucre à Sao Tomé

"Cette île […] lorsqu’elle fut découverte n’était qu’une épaisse forêt […], une partie importante a été déboisée […]. Ceux qui naissent dans cette île sont blancs comme nous. Mais il arrive parfois que ces marchands, lorsque leurs femmes blanches meurent, en prennent des noires […]. Ceux qui sont issus de ces négresses sont de couleur basanée et sont appelés mulati.

La ressource principale des habitants est le sucre qu’ils vendent aux navires qui viennent chaque année en prendre livraison […]. Chaque habitant achète en Guinée, au Bénin et au Manicongo des esclaves noirs avec leurs femmes qu’ils amènent ici pour travailler la terre et faire du sucre. Certains sont très riches et possèdent jusqu’à 150 et 200 voire 300 nègres et négresses, qui sont contraints à travailler toute la semaine pour leur patron, à l’exception du samedi où ils travaillent pour se nourrir. […] On a fabriqué 60 moulins environ actionnés par l’eau : on y broie et on y presse la canne. Le suc exprimé est versé dans de très grands chaudrons, puis bouilli, puis versé dans des moules en forme de pain de sucre."

Navigation de Lisbonne à l’île de São Tomé par un pilote portugais anonyme, v. 1545.

Sur cette carte, retrouvez les forts construits par les Européens.


La traversée de l'Atlantique

Considérés comme une simple marchandise, dont le prix varie en fonction de l'offre et de la demande, les esclaves sont entassés dans les navires négriers, soumis à la terreur afin d'éviter toute révolte.

L'Aurore

L'Aurore était un navire destiné au commerce des esclaves au XVIIIe siècle qui appartenait à un armateur nantais mais aussi à d'autres négociants. Les conditions de voyage à bord du navire sont telles qu'elles illustrent que l'esclavage est un crime contre l'humanité.

Ce navire était un trois mâts de 300 tonneaux composé d'un équipage d'environ 45 personnes sous la direction du capitaine. Il y a trois niveaux sur le bateau : le pont extérieur, le faux pont ou entrepont et la cale. Un captif était en moyenne équivalent à 330 livres de marchandises. Lors de l’embarcation, 600 esclaves montent à bord mais 50 meurent lors de la traversée en mer. Le navire a commencé à naviguer en 1784.

Les conditions à bord du navire, sont très mauvaises. Les 600 captifs sont entassés tête bêche et couchés sur le côté, ils ont des plaquettes accrochées au cou avec des numéros inscrits dessus. Les hommes et les femmes sont séparés. Les hommes sont nus quant aux femmes, elles recevaient de quoi se confectionner un pagne. Ils restent dans ces conditions pendant toute la traversée du voyage.

Pour ce qui est de leur nourriture, ils mangent du riz qui est la base de leur alimentation, ils mangent également des fruits secs, des biscuits.

L'Henrietta Marie

L'Henrietta Marie était un bateau négrier qui transportait des Africains captifs aux Antilles, où ils étaient vendus comme esclaves. Le navire a fait naufrage à la pointe sud de la Floride alors qu'il rentrait chez lui en Angleterre, et est l'une des rares épaves de navires négriers qui a été identifiée.

Il mesurait 60 à 80 pieds (18 à 24 mètres) de long avec une capacité de chargement de 120 tonnes et transportait un équipage d'environ dix-huit hommes. Il a probablement été construit en France au 17ème siècle.

La Marie - Séraphique

Ce navire fut acheté par le marchand nantais Jacques Barthélémy Gruel enjanvier 1769. Construit pour la traite négrière, son équipage était composéd'un capitaine, connaissant les côtes de l'Afrique et d'un chirurgien, responsable de la santé des prisonniers. Outre les esclaves, le navire transporte aussi des cargaisons: tonneaux, canons...

Le bateau débute son voyage en partant de Nantes avec des ressources en direction de l’Afrique, où il récupère des esclave qui seront entassés dans les cales du navire (ils seront maltraités tout au long du voyage et vivront une vie dificile).

La Marie-Séraphique a effectué quatre fois le long voyage négrier, de 1769 à 1775, partant de Nantes, puis déportant d’Afrique aux Antilles 1 344 esclaves noirs, échangés ensuite à Saint-Domingue contre du sucre produit dans les plantations coloniales, qui sera finalement vendu à profit au retour du navire en France.


Aux Antilles et en Amérique, l'économie de plantations

Arrivés aux Antilles et en Amérique, les esclaves sont vendus. La plupart travailleront dans les plantations sucrières, soumis à des conditions de travail éprouvantes. Dans les anciennes colonies françaises aux Antilles, en Guyane, en Louisiane, les exploitations agricoles sont appelées des habitations, tenues autrefois par des colons de métropole ou leur représentant, et sur lesquelles travaillaient les esclaves. « Habitation » est donc le terme le plus approprié pour traduire le terme anglais « plantation » dans le contexte caribéen.

Paroles d'esclaves

Ottobah Cugoano

Ottobah Cugoano est plus connu sous le nom de John Stuart (1757 - 1791 ). Esclave d'origine africaine, il est connu pour avoir rédigé une autobiographie et d'autres œuvres anti-esclavagistes sur la condition des esclaves africains. Il fut une figure importante et précoce de la lutte anti-esclavagiste en Angleterre.

D'origine Fanti, kidnappé dans l'actuel Ghana, il devient esclave à l’âge de 13 ans. De 1770 à 1772, il travaille dans diverses plantations des Caraïbes.

"J’ai été enlevé dans mon pays natal très jeune, en compagnie de dix-huit ou vingt autres garçons et filles, alors que nous jouions dans la campagne. Nous habitions à quelques journées de la côte. Nous fûmes kidnappés puis, après avoir été leurrés et forcés de marcher, conduits à une factorerie et de là, selon les pratiques commerciales de l’époque, transportés à la Grenade."

Acheté par un marchand anglais, Alexander Campbell, il est emmené en Angleterre en 1772.

"Grâce à Dieu, j’ai pu fuir la Grenade et cet horrible et brutal esclavage. Un gentilhomme qui se rendait en Angleterre me prit comme serviteur et m’y emmena, de sorte que ma situation s’améliora. Arrivé dans ce pays et voyant des gens lire et écrire, je fus pris du désir d’apprendre et, avec l’aide que je pus trouver, m’efforçai d’apprendre la lecture et l’écriture, qui me procurèrent bientôt divertissement, plaisir et émerveillement ; lorsque mon maître vit que je commençais à écrire, il m’envoya étudier dans une vraie école."

En 1784 il est employé comme domestique d'un peintre célèbre et doit au couple sa liberté. Ottobah Cugoano publie à Londres la première œuvre rédigée par un Noir : Thoughts and Sentiments on the Evil and Wicked Traffic of the Slavery and Commerce of the Human Species (1787). L’année suivante, une version française de cet ouvrage est publiée. Il devient l'un des porte-parole des esclaves africains, ses écrits appellent à l'abolition de l'esclavage et à l'émancipation immédiate de tous les esclaves.

Une fois affranchi, Cugoano livre un combat intellectuel et militant contre l'esclavage en formant une société abolitionniste nommée The Sons of Africa, dont les membres écrivaient fréquemment aux journaux de l'époque, condamnant la pratique de l'esclavage. Ses travaux ont été envoyés au roi George III et à Edmund Burke, un homme politique de premier plan. En 1791, Cugoano publie une version plus courte de son livre, adressée aux « Sons of Africa ». Dans ce document, il exprime sa joie face à l’échec de l'établissement d'une colonie esclavagiste en Sierra Leone, qui devient par ailleurs une terre d'accueil d'anciens esclaves affranchis.

Mary Prince

Mary Prince est née aux Bermudes en 1788 en tant qu’esclave puisque ses parents l'étaient également. A 12 ans, elle est vendue sur un marché aux esclaves et séparée de sa famille. Elle a subi de nombreux sévices à chaque changement de propriétaire. En décembre 1826, Mary Prince appartenait à la famille Wood et a épousé Daniel James, un ancien esclave qui a acheté sa liberté et travaille comme menuisier et tonnelier. Pour cet acte elle est sévèrement battue par son maître. Elle décide donc de s’enfuir, pour retrouver sa liberté, en Angleterre, mais sans son mari. Mary Prince a été la première esclave à créer une pétition anti-esclavagiste au Parlement ainsi que la première femme noire à publier un livre autobiographique, premier témoignage d’une femme sur ses conditions de vie, intitulé The History of Mary Prince, publié en 1831. Le récit de Mary Prince a joué un grand rôle dans la prise de conscience par les Anglais de l’horreur de l’esclavage dans leurs colonies des Caraïbes. Mary Prince meurt finalement en Angleterre le 19 mars 1833. Cette bouleversante histoire nous rappelle que l'esclavage est un crime contre l'humanité. Mary Prince est une femme emblématique de l’histoire de l’esclavage.

La mûlatresse Solitude

La mulâtresse Solitude, de son vrai nom Rosalie, est née vers 1772 suite au viol de sa mère, femme esclave, par un marin dans un bateau en direction de la Guadeloupe. Le terme mulâtresse vient de ces origines métisses. Solitude est séparée de sa mère lorsqu'un colon remarque qu'elle a la peau et les yeux clairs ; il en fit une domestique de maison, une catégorie supérieure dans la hiérarchie des esclaves.

Elle connaît l'abolition de l'esclavage en 1794 et rejoint une communauté marronne (esclave qui a repris sa liberté en s'enfuyant) de Guadeloupe. Elle s'intègre à cette communauté, qui est située à Goyave et dirigée par le Moudongue Sanga.

Suite à la restauration de l'esclavage sous Napoléon 1er, Solitude, enceinte de quelques mois de son compagnon, rejoint le combat. Survivante de la bataille du 8 Mai 1802, elle est capturée et emprisonnée. Elle est exécutée par pendaison le lendemain de son accouchement, le 29 novembre 1802. Elle a trente ans.

Figure féminine des insurgés de 1802 en Guadeloupe, la Mulâtresse Solitude incarne les femmes et les mères des Caraïbes qui se sont battues en faveur de la défense des idées de liberté et d’égalité. La statue de la mulâtresse Solitude qui est maintenant exposée au carrefour de Lacroix, sur le boulevard des Héros aux Abymes, quartier de Baimbridge, à la Guadeloupe, illustre ce combat.


Des mémoires, un patrimoine commun

L'histoire du commerce triangulaire et du système esclavagiste qui y est lié ont laissé de nombreuses traces, aussi bien visibles dans les paysages que dans les cultures locales.

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Un sanctuaire pour l'Humanité, le mémorial de Gorée

Cet espace de souvenirs et de mémoire verra le jour à Dakar au Sénégal. La construction devrait bientôt commencer.

L'idée de ce monument répond à la volonté de rendre hommage aux victimes de l’esclavage, la traite négrière. Ce lieu d’hommage, de méditation, de réflexion sera consacré aux droits humains. Mais ce sera aussi un lieu unique au monde qui abritera le Centre International des mémoires, tourné résolument vers l’avenir, dédié au « dialogue entre les peuples ».

Pourquoi a-t-il été crée ?

L'île de Gorée, située dans la baie de Dakar, en République du Sénégal fut l’un de ces ports d’où partaient pour un voyage sans retour, les bateaux transatlantiques transformés ainsi en « parcs à nègres ». La volonté d’édifier un espace du souvenir à Gorée répondait à un vœu ardent exprimé à différentes reprises par les intellectuels et les artistes noirs. Dès 1975, le président sénégalais Léopold Sédar Senghor avait émis l’idée « d’édifier un monument en hommage à l’Afrique » et aux Africains qui ont été esclaves pendant la période du commerce triangulaire. Cette volonté de construire un ensemble culturel, une passerelle entre le passé et l’avenir, répondait aussi à la nécessité d’impulser une dynamique touristique, économique et culturelle favorable au financement des programmes de sauvegarde et de développement de l’île de Gorée, nouvellement classée.

A quoi sert-il ?

   Au-delà du devoir de mémoire, cause incontournable, et du devoir du Sénégal d’ériger un monument du souvenir, le projet du Mémorial de Gorée est une volonté politique, une affirmation citoyenne, ainsi qu'un partage universel en faveur de toutes les mémoires souffrantes du monde. Il sera inscrit dans la nouvelle carte culturelle du monde. Mais nous pourrons aussi nous y rendre pour étudier ou pour admirer sa magnifique architecture.

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Le Gwoka

Le Gwoka (ou Gwo ka) est un genre musical né en Guadeloupe vers le 17ème siècle, principalement joué à l'aide de tambours, "ka". Le gwoka a été créé par les esclaves des plantations de sucre, qui se servaient de tonneaux de contenance équivalente (généralement un "gros-quart", dont la déformation serait à l'origine du nom de ce style) pour créer des mélodies et un moyen d'échapper à leurs conditions de travail. D'origine principalement africaine, cette musique est un mélange entre plusieurs cultures musicales provenant de différents coins de l'Afrique. Elle a été perpétuée par les esclaves qui ne voulaient pas oublier leurs traditions, et surtout leur patrie, en acquérant petit à petit un style et une musicalité propres.

Cette danse a été inscrite au  patrimoine immatériel de l'UNESCO  en 2014, en hommage à ses premiers pratiquants et à ceux qui ont perpétré cet art. L'interprétation typique du Gwoka repose pour beaucoup sur l'improvisation menée par les tambours, qui poussent les danseurs à s'y adapter pour faire vivre cette musique. Les chanteurs suivent la tradition du chant en question-réponse typique des chants africains, où la foule forme souvent des chœurs avec les chanteurs eux-mêmes et accompagne les tambours dans leurs phases rythmiques. Longtemps interdit par le Code Noir et méprisé pour cela, presque jusqu'à la fin des années 1970, cet art revient sur le devant de la scène grâce à ses adeptes, qui s'efforcent de faire grandir la reconnaissance de leur culture pour ne pas voir tomber dans l'oubli les traditions nées de l'esclavage. Cette musique est d'ailleurs très utilisée lors des rassemblements de protestation contre les décisions des gouvernants, étant donné le lourd symbole de rébellion caché derrière les petits tambours.

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Le carnaval, exemple de la Jamaïque

Le Carnaval en Jamaïque est une explosion de couleurs, de musique, de danse et de nourriture qui se déroule chaque année le week-end suivant Pâques. Aujourd'hui, c'est un événement touristique, mais originairement il était fêté par les esclaves afro-américains à l’époque de Noël.

Les esclaves se voient accorder par leurs maîtres trois journées de réjouissance, à Noël, et une au Nouvel An.

Des « bandes » concurrentes d’esclaves s’organisent longtemps à l’avance ; elles dépensent leurs très maigres économies pour préparer avec le plus grand soin ces fêtes costumées, qui ont lieu sous forme de défilés dans la rue. Les costumes, méticuleusement préparés, sont dans les jours qui suivent détruits, parfois par le feu ; en outre des « bandes » rivales vont parfois jusqu’à s’affronter violemment. Enfin, certains défilés, donnent lieu à des concours dont la réputation anime encore la Parade, grand défilé devant les principales « Tavernes » (d’Européens) ou même devant le Centre des Affaires de Kingston. On ovationne sous le nom d’« Actor-boys » ces serviteurs parodiant une journée leurs maîtres, les atours et les pouvoirs de ceux-ci.

On peut avoir une idée assez précise de cet événement grâce aux dessins de Isaac Mendes Belisario, publiés sur le site de l'Histoire par l'image.

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Les work songs

Un chant de travail est une chanson chantée le plus souvent a cappella par des esclaves qui partagent un dur travail. Ils avaient pour but de se donner du courage comme dans la culture du coton ou de la canne à sucre. Durant la journée, les chants de travail chassent l'ennui de la répétition des travaux. Les rythmes sont choisis pour aider les ouvriers à synchroniser leurs mouvements avec leur coéquipier (par exemple ramer, scier, marcher). Le principe des work songs était un système de « questions – réponses ». La plupart de ces chansons s’inspiraient des musiques traditionnelles de leurs pays d'origine, même si la plupart des esclaves sont afro-américains, nés de l'esclavage. Les chants de travail servaient de communication entre eux sans que le maître puisse comprendre.

Il y a par exemple  la chanson de James Baker Black Betty . Cependant, il n’en n’est pas réellement le créateur. Ce chant a fait l'objet de nombreuses reprises en tout genre.

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Mémorial de l'abolition de l'esclavage à Nantes

Le Mémorial de l'abolition de l'esclavage est un mémorial français situé a Nantes, en Loire Atlantique. Consacré à la traire négrière dans le monde, à l’esclavage et à son abolition, ce lieu de visite situé dans ce qui fut l'un des principaux ports négriers de France a été inauguré le 25 mars 2012. Le mémorial a été aménagé sous une promenade végétalisée de 7 000 m2. La surface d'exposition se trouvant presque au niveau de la Loire, permet d'évoquer les entreponts des navires négriers.

L’histoire du Mémorial commence en 1985 à l'occasion du 150e anniversaire de l’abolition de l'esclavage. Une association prend l'initiative de poser sur le port de Nantes une statue de fer et de plâtre intitulée L’abolition de l’esclavage. Le 1er mai 1998, la statue est vandalisée. En juin de cette même année, le Conseil municipal nantais décide d’édifier une œuvre d’art de grande ampleur pour témoigner de l’histoire de Nantes avec la traite négrière. Un comité de pilotage est constitué en 2000, le projet définitif est présenté en 2005 et les travaux débutent en 2010. Le mémorial est conçu par l'artiste polonais Krzysztof Wodiczko et l'architecte americano-argentin Julian Bonder .

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Le Mémorial ACTe en Guadeloupe

Le mémorial ACTe, Centre caribéen d’expressions et de mémoire de la traite et de l’esclavage, a été inauguré le 10 mai 2015, en Guadeloupe par le président François Hollande.

Précisément situé à Pointe-à-Pitre, il contient une exposition qui se tient sur 1700 m².

Il s'agit d'un espace conçu pour être le centre le plus important au monde consacré au souvenir de la traite négrière et de l’esclavage. Son objectif principal est de donner vie à un espace dédié à la mémoire, à l'information, à la connaissance et à la recherche pour tous.

Il a été fondé sur le site de l'ancienne plus grande usine sucrière de Darboussier, où l’on pratiquait encore le travail forcé au XIXe siècle. Le Président F. Hollande a d'ailleurs expliqué ce choix : il s'agit d'un lieu "où des générations de Guadeloupéens ont travaillé pour l'industrie sucrière".

Chaque détail a été pensé. Ainsi, les façades du mémorial en granit noir sont composées d’éclats de quartz dorés, dont la constellation représente les millions d’âmes victimes de la traite négrière et de l’esclavage, une tragédie longtemps effacée.

Textes et mise en page par les élèves de seconde 1,3 et 4 du Lycée du Parc des Chaumes (Avallon)

Bibliothèque de ressources ayant contribué à la réalisation de cette storymap :  https://www.pearltrees.com/t/flamme-egalite-lycee-chaumes/id39201526 

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Storymap réalisée dans le cadre du concours La Flamme de l'égalité, 2021